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 Gainsbourg, vie héroique
Réalisateur : Joann Sfar
Année : 2010
Acteurs : Eric Elmosnino, Lucy Gordon
Pays : France


4/10 (1 critique)


Synopsis :
La vie de Gainsbourg, du jeune Lucien Ginsburg dans le Paris occupé des années 1940, jusqu'au poète, compositeur et chanteur célébré dans le monde entier.
 
Critique par Julie postée le 16-05-2011 à 17:43
Note : 4/10
Autant écarter d'entrée le biais qui n'en est pas un. Nous ne sommes sans doute qu'une poignée dans le monde mais j'en suis : je n'aime pas la musique de Gainsbourg. Rien à voir avec le sens des textes ou le background de l'artiste, non, si je n'aime pas Gainsbourg, chanteur, ça n'est en rien intellectualisé, c'est sur un plan purement sensoriel. Sa musique ne procure aucun plaisir à mes oreilles, voilà tout. Quant à l'artiste derrière, je n'en connaissais que les fragments les plus célèbres, grapillés ça et là aux détours de quelques films, livres, émissions culturelles ou conversations passionnées. Et force m'était de constater que c'était là matériel rêvé pour tout conteur d'histoires, que le dit conteur soit Joann Sfar (célèbre bédéiste et romancier) ou pas. Ajoutez à cela la promesse explicite de voir autre chose qu'un "simple biopic" et bien "un film imaginatif, poétique", et c'est confiante que j'entamais le visionnage de Gainsbourg, vie héroïque.

Sauf qu'à nouveau j'ai l'impression que l'intelligenstia française est prompte à coller le terme "poétique" à tout artifice de carton-pâte. Car Gainsbourg, vie héroïque est bien un simple biopic, un peu hasardeux, pas franchement structuré, et qui tire sa singularité d'une représentation physique de l'altérité de Gainsbourg (de sa "gueule", en somme) par le biais d'une improbable marionnette, une incarnation de l'inconscient qui apparait à l'artiste.

Le souci c'est que cette marionnette ne sera jamais autre chose, et ce durant les 2h10 de pelloche, qu'un tour de passe-passe. Un trucage scénaristique, une facilité narrative qui permet à Sfar de ne jamais se creuser la tête pour rendre à l'écran les états d'âmes, tourments, réflexions de Gainsbourg. Pas besoin de faire passer quelque idée dans la mise en scène ou même dans l'écriture : il suffit de poser le monsieur face à son double et de lui faire débiter la chose à haute voix. Au delà de ça, la "gueule" n'est qu'un objet décoratif qui n'apporte rien à l'histoire. Et s'il est bien quelque chose de plus agaçant qu'on grossier procédé, c'est un grossier procédé qui veut se faire passer pour une quelque forme de poésie. L'effet est d'autant plus marqué que la forme première du film est justement totalement dénuée de poésie. Aucune inventivité dans le cadrage ou le mouvement, la réalisation est empreinte de raideur, uniquement fonctionnelle, comme si elle était juste un outil et pas une forme d'expression. Elle laisse le sentiment perpétuel de voir un exercice, une série d'essais techniques par un homme qui tient une caméra pour la première fois.

Sfar démontre ains que metteur en scène n'est pas un métier qui s'improvise, un rôle que l'on peut confier à quiconque déjà étiqueté artiste sur un autre art. Curieux qu'il fut encore besoin d'enfoncer le clou après les désastreux passages derrière la caméra d'Eric-Emmanuel Schmidt ou de Michel Houellebecq, qui prouvaient aussi au passage qu'un film ne s'écrit pas comme un roman.... ou comme une B.D. Ainsi le scénario de Gainsbourg n'existe pas vraiment, alignant sans liant une série de vignettes représentant les périodes et anecdotes les plus célèbres sans que se dessine jamais une quelconque pensée. Quand vient le générique de fin, on a plus l'impression d'avoir regardé une mise en images de la page wikipédia de l'artiste plus qu'autre chose.

Dans l'absolu, sans doute rien d'impardonnable. Ces maladresses, ce manque de savoir-faire pourrait même confiner un aspect touchant, fragile, perfectible à un film dédié à un artiste qui s'est souvent senti imposteur et toujours sur le fil du rasoir. Surtout que passé le premier tiers (où le jeune Lucien Ginsburg est aussi mal écrit que mal joué), devant la caméra, chacun fait un très beau travail. Si faire jouer Boris Vian par Philippe Katerine est assez aberrant, les rôles principaux sont parfaitement castés, qu'il s'agisse d'Emolsnino ou de ses partenaires successives (jusqu'à une Lucy Gordon solaire en Jane Birkin.)

Sauf que ces faiblesses de forme se conjuguent très mal avec l'ego pelliculophage de Sfar, que l'on finit par voir plus que Gainsbourg. Marionnette et dessins reprennent le style graphique de l'auteur, qui impose plus que sa patte, sa personne, d'un générique d'ouverture animé par ses soins à un générique de fin comprenant... sa note d'intention.

Mettre de soi dans un premier film est sans doute inévitable, mettre plus de soi que de son sujet dans un biopic n'est pas loin d'être irrespectueux (et prodigieusement énervant.) Dommage car le portrait qui émerge malgré tout de Gainsbourg montre un être humain des plus intéressants, qu'on soit ou non sensible à sa musique.


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