On me l'avait déjà dit et on ne m'avait pas menti : Des fleurs pour Algernon est bel et bien un chef d'oeuvre de la littérature de science-fiction, si ce n'est de la littérature tout court.
L'histoire se présente sous forme d'un journal intime, celui de Charlie, l'arriéré mental qui, grâce aux progrès de la science, devient peu à peu intelligent. Du coup, le style se calque sur l'évolution du personnage, et donne un effet saisissant de réel. Les phrases hésitantes, écrites en phonétique, du début laissent place peu à peu à une réflexion profonde du personnage sur l'autre qu'il est devenu, sur le monde qui l'entoure, sur les traumatismes de son passé. Jusqu'au stade fatidique de la régression...
C'est un livre qui propose de nombreuses pistes de réflexion et d'analyse. Ainsi, l'une des pistes les plus intéressantes à mes yeux est ce constant parallélisme entre Algernon, la souris qui malgré son intelligence reste prisonnière entre sa cage et le labyrinthe qu'elle parcourt inlassablement pour entraîner son cerveau, et Charlie, qui erre dans les rues de New-York pour tenter de se trouver.
S'y mêle une réflexion sur le regard des autres, de la société, puisqu'il restera au final d'un bout à l'autre un "monstre", quelqu'un qu'on montre du doigt, une bête de foire, malgré toutes ses tentatives pour faire comprendre aux autres qu'il était autrefois, et qu'il est toujours, un être humain. D'autres thèmes viennent s'y ajouter, s'y mêler, et font de cette oeuvre un véritable classique du genre, qui, à travers la science-fiction, propose un regard unique sur le monde moderne et ses dérives.
À découvrir de toute urgence.

On me l'avait conseillé plusieurs fois mais à chaque fois, je buttais sur les premiers mots mal orthographiés et rechignais à le lire. Et pourtant, quelle perte de passer à côté de ce livre!
En effet, l'orthographe et le vocabulaire de Charlie s'améliore au gré de ses progrès et l'on suit dans son journal l'évolution de l'expérience qui le rend intelligent. Le style devient un moyen de l'histoire.
L'expérience est saisissante et le fait que Charlie rende compte lui-même de ses agissements permet de percevoir son ressenti par rapport au monde qui l'entoure (et qui change aussi, malheureusement.) Simple d'esprit au départ, Charlie déborde de gentillesse et ne voit que le bon côté des personnes qui l'entourent. Sans la capacité de se souvenir ou de se rappeler des événements en particulier, il vit dans son monde. Dès les premières pages, on pressent que le choc face à la réalité sera rude et que sa vie va changer du tout au tout. Il apparaît ensuite, tout naturellement, que si ses capacités intellectuelles sont décuplées au gré des jours, ses capacités relationnelles et émotionnelles ne le sont pas. Difficile pour Charlie de se construire en quelques mois quand les autres ont construit leur identité au fil des années. Difficile aussi d'accepter qu'être intelligent ne signifie pas être plus heureux.
Un livre poignant qui fait réfléchir.

Il y a des idées, des concepts, dont on tombe facilement amoureux. Celles que Daniel Keyes utilise pour créer des Fleurs pour Algernon sont de celles-là.
En effet, amateur ou non de science-fiction, comment ne pas être séduit pas l’histoire de Charlie ? Né simplet, pour ne pas dire demeuré, l’homme que le lecteur perçoit comme un enfant-adolescent a envie d’apprendre, de devenir « un teligent ». Il existe une opération pour atteindre son rêve. Testée auparavant sur la souris nommée Algernon qui gambade aujourd’hui dans des labyrinthes pour QI élevés, elle n’est toutefois pas sans risque. Charlie va accepter ce défi, soutenu par son professeur de lecture.
C’est son carnet de voyage vers l’intelligence que retrace ce livre. Les mémoires de ce parcours peu ordinaire sont le deuxième grand intérêt du court roman : Charlie narre les événements à la mesure de son apprentissage. Les premières pages sont donc chaotiques et orthographiquement catastrophiques. Savoureuses au début, leur style devient vite un frein à la lecture. Mais c’est un contrat que Daniel Keyes signe avec ses lecteurs. Accepter cette difficulté revient par la suite à savourer chaque petit changement qui surviendra chez Charlie suite à l’opération. Un ravissement promis donc, du moins sur le papier.
A la lecture, le plaisir est un peu plus nuancé. Des détails, comme l’espacement des différentes dates de ce journal intime qui prive d’une subtilité en manière d’évolution du langage de Charlie, ne peuvent que décevoir celui qui en attendait trop.
De plus, l’éditeur – J’ai Lu – massacre concrètement l’ouvrage dans le résumé qu’il en fait sur la quatrième de couverture. Ne reste qu’à souhaiter que le lecteur potentiel ne soit pas tenté par cette lecture peu judicieuse qui lui dévoile tout bonnement la fin. Sans suspense sur l’issue, l’expérience qui portait son lot d’espérances s’avère un brin décevante, l’intrigue semblant tout d’un coup bien plate. Quant à la valeur philosophique du livre sur l’intelligence, le bonheur, les relations humaines etc… elle n’est qu’un bonus ne suffisant pas à procurer de la valeur ajoutée. Un livre un peu décevant donc, ce qui n'est pas entièrement sa faute. A se demander pourquoi les éditeurs pratiquent l’auto-sabordage…