Quelqu'un d'autre de Tonino Benacquista est une occasion de plus de voir la littérature sous un nouvel angle. Car cet auteur est purement fou, de la folie qu’on ne peut qu’aimer, celle qui part de petits détails, d’habitudes, pour porter le lecteur à des lieues de cela.

Un livre sublime, des associations d'idées tordues, des sourcils qui se froncent à la suite de certaines phrases et une nécessité de relire pour voir si oui on a bien compris, et oui on a bien compris.

Tonino Benacquista est avant tout un auteur à l'imagination non restreinte, qui fait vivre des personnages magnifiques dans un monde bourré d’imprévus. Il raconte l'inattendu, souligne ce qui devrait se passer, le suggère et change brusquement de direction. Tout est surprise, tout se lit très vite et tout se savoure.

« Saga » était savoureux, mais l’on pouvait regretter un moment de battement. Ses nouvelles publiées sous le titre « Tout à l’ego » se finissaient toujours en queue de poisson avec des personnages tous aussi peu politiquement corrects les uns que les autres. Encore une fois, Benacquista surprend. Dans « Quelqu’un d’autre », pas de moment de battement. Juste deux hommes à moitié soûls qui se promettent de changer de vie d'ici trois ans. Et pour ca, ils n'y vont pas avec le dos de la cuillère.

Une histoire assez banale comme toujours, du moins à la base, deux fantastiques loosers assez communs et normaux, une partie de tennis entre inconnus, une discussion autour de nombreux verres. Une décision: changer, de vie, d'identité, quitter le marasme de leur vie actuelle. Une promesse: se revoir trois ans plus tard avec la réussite à la clé.

On quitte le doux-amer pour une tonalité beaucoup plus sombre. Il y a toujours une dose d'absurdité mais elle est confrontée aux difficultés de changer de vie. Et à une emprise psychologique forte.

Paradoxalement, la psychologie des personnages n'est pas si marquée que cela. Des questions sont posées. Des réponses données, avec brio.

L'écriture est toujours aussi subtile, particulièrement tous les passages qui décrivent cet alcoolisme latent auquel se soumet un des personnages et qui s'étendent tout le long du roman.


Petite citation pour le plaisir.
"Plus il y aura de gens qui s'exprimeront, qui peindront, qui écriront et qui feront des ronds dans l'eau, et plus nous aurons moyen de lutter contre l'apocalypse programmée. Tout le monde est artiste, certains ont l'aplomb de le penser plus fort que d'autres."