RSS Twitter Facebook

 La vie d'Adèle
Réalisateur : Abdellatif Kechiche
Année : 2013
Acteurs : Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux
Pays : France


7/10 (1 critique)


Synopsis :
À 15 ans, Adèle ne se pose pas de question : une fille, ça sort avec des garçons. Sa vie bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir le désir et lui permettra de s’affirmer en tant que femme et adulte. Face au regard des autres Adèle grandit, se cherche, se perd, se trouve...
 
Critique par Florence postée le 24-10-2013 à 07:26
Note : 7/10
Il y a plein de choses à dire sur La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche. En trois heures, le film prend le temps de traiter de nombreux sujets et de faire évoluer ses personnages. De jeune lycéenne perdue, Adèle grandit et se découvre. Après de premières expérimentations avec les garçons, elle croise la route d'Emma, une étudiante aux Beaux-Arts à laquelle elle se sent instantanément connectée. Ces deux-là sont prédestinées à être ensemble (comme dans La vie de Marianne de Marivaux, mentionné au début du film). Après un regard échangé dans la rue, elles se retrouvent par hasard dans un bar gay de Lille et continuent de se voir régulièrement. Leur complicité se construit au travers de jolies conversations et de gros plans sur leurs sourires et leurs regards. Adèle découvre la sensation délicieuse de s'attacher à quelqu'un, de ressentir du désir et de voir se concrétiser leur attirance. Peu importe au final qu'elle tombe amoureuse d'une fille plutôt que d'un garçon.




C'est ce qui fait de La vie d'Adèle une jolie histoire qu'on aime à recommander : le film est avant tout une histoire d'amour, et non une histoire d'homosexualité. Les sentiments capturés sur la pellicule sont universels et on ne peut rester complètement indifférent devant l'attirance des deux jeunes femmes et devant la complicité qui se construit devant les yeux des spectateurs, surtout pendant la première heure du film.

On pourrait presque reprocher au contraire à Kechiche de ne pas aborder certains thèmes clés de l'homosexualité. Il n'y a que deux scènes qui traitent réellement de l'affirmation de l'identité sexuelle : une scène poignante à la sortie du lycée, où les copines d'Adèle devinent son attirance pour Emma et la rejettent en l'accusant d'être une "gouinasse". La scène est tellement violente dans ses mots qu'elle met profondément mal à l'aise. On y perçoit la barrière sociale qui reste encore aujourd'hui pour assumer son homosexualité, malgré les évolutions sociétales des dernières dizaines d'années. Kechiche marque là un argument politique, social, humain. Plus tard, Adèle présente Emma à ses parents mais n'ose pas leur avouer la nature de leur relation. Ces deux scènes sont belles et puissantes mais ne donnent pas de suite dans le reste du film. En trois heures, et cinq à six ans d'histoire, on ne saura jamais si Adèle a réussi à s'assumer ouvertement avec sa partenaire auprès de son entourage. Et d'une certaine façon, ces scènes clé avec sa famille et ses amis manquent dans le récit, dans l'évolution du personnage.




De manière générale on peut dire, je pense, sans trop de débat que Kechiche instaure une temporalité déstabilisante dans ce très-long-métrage. D'abord lent, suivant pas à pas les protagonistes dans leurs émotions naissantes, le film s'accélère tout à coup à partir du moment où les filles se mettent en couple et perd un peu de sa finesse. Accumulant les ellipses, Kechiche omet des années entières de la vie d'Adèle et Emma et le spectateur se retrouve un peu distancé. Il faut à chaque fois se remettre à leur rythme, reprendre le fil de leurs émotions : tour à tour amoureuses, fusionnelles, tendres, blasées, désespérées, éloignées, complices, puis le coeur vide, le coeur en miettes... Les années passent vite et on regrette presque cette lenteur et cette douceur du début (sans forcément vouloir rallonger les trois heures !). Le parti pris de ces ellipses risque peut-être de faire décrocher quelques spectateurs.

Enfin, comment parler de La vie d'Adèle sans mentionner à un moment ou à un autre les scènes érotiques qui ont tant fait parler d'elles depuis la Palme d'Or décernée au festival de Cannes ? Il parait qu'à Cannes, la salle a applaudi pendant la longue scène de sexe qui dure sept minutes. Dans ma petite salle de cinéma parisien, les gens n'ont pas tenu si longtemps. Au bout de quelques minutes, certains ont commencé à toussoter pour combler le bruit des souffles rauques et des cris de plaisir. Un silence gêné s'est fait sentir dans le public et j'ai failli regarder ma montre en pensant "oh pitié, faites que ça s'arrête". Ce n'est pas que les scènes soient particulièrement choquantes en elles-mêmes (on a vu pire dans d'autres films) mais leur enchaînement est tellement peu naturel qu'on a l'impression de regarder un extrait d'une vidéo pornographique. A part les deux premières minutes où Adèle et Emma s'enlacent et se découvrent, il n'y a aucune complicité dans ces scènes de sexe, aucun effet crescendo. Les actrices donnent plutôt l'impression de faire une démonstration du Kama Sutra lesbien (une position puis une autre, puis encore une autre, puis encore une autre...) et cet enchaînement de scènes coupées et dénuées de sentiments devient insupportable aux yeux du spectateur qui n'avait rien demandé. (Petit aparté entre parenthèses, mais puisqu'on parle de scènes de sexe mal amenées, est-ce que je mentionne aussi ici la scène du café à la fin du film où elles se violent quasiment devant les yeux des autres clientes ? ... ... sans commentaire.)




En résumé, voilà donc mon avis sur ce film polémique et plébiscité par la critique. La vie d'Adèle est une belle histoire qui agrippe et qui déchire, servie en plus par des actrices incroyables dont une Adèle Exarchopoulos envoûtante. Chapeau bas à cette belle actrice de 19 ans qui n'a pas fini de faire parler d'elle. Le film diffuse certains messages par rapport à l'homosexualité mais c'est avant tout l'histoire universelle qui touche. La vie d'Adèle est avant tout, comme son nom l'indique, l'histoire d'une vie : celle d'une adolescente qui se cherche et qui se trouve, d'un amour qui nait, d'une adulte qui se construit, d'une erreur qui fait basculer une vie, d'une chance ratée et du poids de l'avenir. C'est tout ça qu'il faut retenir de l'oeuvre d'Abdellatif Kechiche, toutes ces émotions capturées par la caméra. On peut reprocher certaines choses au réalisateur - parmi elles, une temporalité trop saccadée et des scènes érotiques inutiles - mais il n'en reste pas moins que le film est beau et sincère. Et qu'il serait dommage, si le film vous tente, de ne pas passer outre ses quelques défauts pour voir ce qu'il a à offrir.


Votre avis rejoint-il cette critique ?
Oui (4)
/ Non (2)

Ca donne envie de découvrir le film ! (9)
EN DIRECT DE TWITTER
VOUS AIMEREZ PEUT-ETRE...
Aucun film/livre n'a pu vous être recommandé.

(Comment ça marche ?)