Quand Hollywood rencontre Bollywood le temps d'un film, ça sent un peu le mariage arrangé, mais pas malheureux.

Porté par un scénario très bien construit, Slumdog Milionnaire se regarde avec un mélange de plaisir et de fascination pour ce pays et ces situations que l'on n'ignorait pas mais auxquelles on ne prend pas forcément le temps de réfléchir.

Mais ça et là, une dimension fantaisiste du scénario rappelle que l'histoire se veut être celle de ce jeune homme et pas seulement un portrait d'une Inde en pleine dégénération destiné à des occidentaux illusionnés. Tant mieux. Le film n'en est que plus attachant, et son personnage central, formidablement bien interprêté par Dev Patel, a le bon goût de ne pas devenir un pur symbole mais bien de rester un être de chair et de sang dont on veut comprendre le passé aussi bien que connaitre l'avenir. La toute fin, bien qu'un peu décalée, reste une façon bienvenue de rendre hommage à Bollywood : il s'agit aussi de cinéma, après tout.

Avant cela, cette balade en Inde n'est pas sans une terrible violence, un propos très noir qu'éclaire parfois des scènes d'une tendresse innatendue, et le film glisse ça et là des réflexions sur les effets de la mondialisation en Inde, mais sans démagogie.

Dommage que tout cela soit amoindri par une réalisation trop... visible. Lorsque l'on vous montre une épuration ethnique ou un enfant se faire mutiler, le sujet est suffisamment imposant sans avoir besoin d'en faire des tonnes sur la forme.

Entre couleurs parfois trop éclaboussantes, mouvements de caméras elliptiques qui en fait de plonger le spectateur dans l'action, lui rappelle qu'il y a caméra, et une série de plans d'un naturel inexistant, le besoin de se montrer de Danny Boyle dessert la force de son propos.
Son style propre, parfait au service de films tels Transpotting, sied très mal à une histoire qui se veut faire corps avec une réalité mal connue. Et de fait, avant d'être "un film sur l'Inde" ou "l'histoire de Jamal", Slumdog Millionnaire est surtout "un film de Danny Boyle".

Bien sûr, on allait pas attendre de ce dernier qu'il donne dans le film d'auteur, mais un peu plus de sobriété n'aurait pas nuit à un sujet si fort en lui-même, plus que capable de se porter lui-même.

Par chance, ce qui se passe devant cette agaçante caméra est ce qui demeure une fois les lumières rallumées, faisant de Slumdog Milionnaire un très bon moment de cinéma.

J'avais découvert Dev Patel dans la série anglaise "Skins", et si le personnage qu'il y interprétait n'ait pas été mon préféré j'ai tout de même attendu avec impatience de le voir dans Slumdog Millionaire. Il n'y a pas à dire, je n'ai pas été déçue, l'acteur interprète magnifiquement son rôle.

En ce qui concerne le film de manière plus globale, je n'ai pas été déçue non plus. Le concept des flash-backs qui permettent d'expliquer la situation initiale n'est certes pas nouveau (depuis Citizen Kane, ce processus cinématographique a peut-être même été sur-employé) mais il est employé ici à juste escient, et on se surprend à essayer de deviner quel sera le prochain élément qui sera expliqué dans le flash-back suivant. Les enfants grandissent, et si les acteurs changent (j'ai eu une ou deux fois un moment d'hésitation avant d'identifier les héros) les personnages restent vraiment fidèles à eux mêmes, et la crédibilité et l'unité des différents protagonistes sont exemplaires. La trame de l'histoire est bien fichue, et c'est amusant de voir des personnages secondaires revenir plus tard dans l'intrigue, créant un lien qui, a posteriori, semble évident.

Il y a bien sûr cette histoire d'amour, très traditionnelle de films américains mais également avec sa petite touche Bollywood, et bien que cet aspect du scénario soit somme toute assez cliché, je me suis tout de même prise au jeu. Mention spéciale pour la scène de la question finale du jeu où là, pour le coup, j'ai été surprise par la tournure des événements.

Coup de coeur : la scène de fin très boolywoodienne, j'ai adoré. Une manière idéale pour moi de conclure ce film et de réconcilier le côté américanisant avec l'aspect plus traditionnel des films indiens.
Les insertions au coeur du film de quelques scènes des films cultes d'amitabh bachchan. Petite déception en revanche : celle de ne pas avoir vu l'acteur jouer son propre rôle dans Slumdog Millionaire !