Pour pouvoir apprécier ce film comme il se doit, il faut d'abord le replacer dans son contexte : une sortie simultanée dans 80 pays du monde le 5 juin 2009, à l'occasion de la journée mondiale de l'environnement. Pour toucher le plus grand nombre possible, ce film-documentaire a été diffusé gratuitement à la télévision, au cinéma et sur Internet. Le film est passé sur des dizaines de chaines de télévision nationales, a été projeté sur des écrans géants dans plusieurs villes du monde et surtout, a été offert aux écoles pour sensibiliser les enfants au sujet si important de l'écologie.

Et rien que pour ça, cette initiative mérite d'être hautement saluée.

Comme vingt-cinq milles personnes ce soir-là, je suis allée voir le film au pied de la Tour Eiffel et l'expérience en a été plus spéciale encore. C'est une sensation particulière que de se retrouver au milieu de milliers de visages tournés dans la même direction, écoutant le même message pour l'amour de la planète. On se serait presque sentis capable de faire quelque chose, ensemble.

Les images sont spectaculaires et font honneur aux célèbres prises de vue du photographe Yann Arthus-Bertrand. Qui n'a jamais feuilleté le livre "La Terre vue du ciel" en s'émerveillant devant ces paysages magnifiques et ces clichés insolites, témoins de la diversité de la planète, de sa beauté mais aussi de ses abus ? Le film suit le même procédé que le livre et on s'émerveille tout autant devant le résultat. De plus, le travail sur le rythme et sur la musique permet parfois de surpasser l'image et de créer une réelle opposition entre la quiétude de la nature et la folie humaine, qui met franchement mal à l'aise et donne envie de se mobiliser pour changer les choses.

Ceci étant dit, tout n'est pas parfait dans le monde de "Home" et de Yann Arthus-Bertrand, et plein de petits (et de plus gros) hics viennent perturber l'appréciation du film : Sa lenteur, d'abord, et l'impression de se faire répéter dix fois la même chose. Ce n'est pas ce qu'on retient à la fin du film mais pendant les 2 heures, vous aurez parfois l'impression de faire des boucles dans le temps et de vous entendre rabâcher des arguments qu'on vous a déjà servis une demi-heure plus tôt. Surtout que le tout est dicté par une voix off un peu plate et un poil moralisatrice, qui a parfois l'air de tomber du ciel.
Ensuite, quelques questions : est-ce qu'on n'aurait pas du parler plus longtemps des côtés positifs et proposer des solutions, tant au niveau global qu'individuel ? On connait tous la plupart des enseignements à tirer mais je ne savais pas, par exemple, que nous devrions essayer de manger moins de viande. "50% de la production agricole sert à alimenter le bétail" : sans viande, nous pourrions nourrir 5 fois plus de personnes dans le monde !
Et puis, cette question qui se pose avec le recul... est-ce que finalement le format vidéo apporte vraiment un plus par rapport au format photo ? Bien sur, les images sont magnifiques mais chaque plan "vu du ciel" est relativement statique et le film aurait pu jouer sur d'autres dimensions, en allant plus loin qu'une succession de diapositives animées. (Si vous ne l'avez pas encore fait, je vous propose d'ailleurs de regarder des captures d'écran du film sur internet, vous constaterez qu'elles se suffisent à elles-mêmes.)

Cependant, malgré tous ces éléments qui méritent discussion, il n'en demeure pas moins que "Home" est un film à voir : si ce n'est pour le déclic environnemental (qui se déclenchera plus ou moins en fonction de votre sensibilité au sujet), au moins pour se régaler les yeux.

L'expérience était touchante, forte, la connexion n'ayant pas de mal à se faire avec les milliers de personnes assis à coté de soi, tous conscients d'être les habitants du même "home".
L'initiative était à saluer, même si toutes les motivations n'ont pas été nobles, qu'importe. On pardonne la pléthore de logos commerciaux sur laquelle s'ouvre Home.
Ce qui aide à aller au delà du film, un peu décevant à l'aune de l'idée.

Finalement, le grand défaut de Home, c'est d'avoir été réalisé par Yann Arthus Bertrand. D'abord parce qu'il se limite comme toujours à la photo, oubliant que le cinéma, c'est le mouvement, et nous offre, exactement comme pour La Terre vue du ciel, une série de diapositives plus qu'un film.

Ensuite parce qu'il joue lui-même les narrateurs et que sa voix plate et didactique porte vite sur les nerfs. Sans doute la version ciné doublée par Jacques Gamblin était-elle plus agréable, mais l'effet de communion aurait été moins intense qu'au Champ de Mars.

Enfin parce la sur-médiatisation du monsieur finit personnellement par me fatiguer, et la déclinaison de chacune de ses photos en produit marketing leur ôte leur âme. Qu'en somme, je crois qu'on peut finir par être fatigué d'un type qui parcoure la terre en hélicoptère (par ailleurs très polluant) pour nous faire la morale de là haut, façon créateur omniscient tout puissant ou dans le meilleur des cas, façon ange flottant bien au dessus de tout ça et pointant du doigt le méchant terrien de base qui refuse de prendre les transports en commun. Les images sont certes magnifiques, tour à tour merveilleuses ou effrayantes. C'est vrai qu'elle est belle cette planète, c'est vrai qu'on la bousille au delà de l'imaginable. Mais je ne peux pour ma part m'empêcher de penser que pour montrer le monde, ce qu'on en fait, il n'est pas inutile de littéralement redescendre sur Terre, promener de temps en temps sa caméra au sol, se mélanger à la foule, embrasser son propre statut d'humain.

C'est d'ailleurs lorsqu'il se met à parler des gens que le film est le plus réussi, le plus beau : par chance, au delà de la dénonciation, il y a quand même la volonté de souligner les bonnes idées, l'effort de certain, les solutions qui existent. Dommage que ça arrive si tard, Home aurait surement gagné à faire de cet aspect là une ligne directrice plutôt que l'épilogue.

Coup de cœur malgré tout pour l'expérience, rendue finalement plus intense par les spectateurs que par le film lui-même.