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 Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB (1ère partie)
Auteur : Jacques Tardi
Année : 2012
Langue d'origine : français


8/10 (1 critique)


Histoire :
Le dessinateur Jacques Tardi transpose en bande dessinée les carnets de son propre père, René Tardi, où celui-ci a raconté ses années de captivité dans le camp de prisonniers, le Stalag IIB, pendant la Deuxième Guerre Mondiale en Allemagne.
 
Critique par Florence postée le 16-02-2013 à 15:20
Note : 8/10
Nous avons tous lu, vu ou écouté des témoignages sur la Deuxième Guerre Mondiale et avons quelque part dans notre mémoire ces récits de juifs déportés, de résistants, de collabos, de soldats. Ou, plus vifs, les souvenirs d'un père, d'un grand-père ou d'un oncle nous racontant leur expérience personnelle pendant les années 39-45.

Malgré tout cela, pour la nouvelle génération dont je fais partie, il est difficile d'imaginer la réalité de ces témoignages. Les films vus à la TV ont des allures de fiction et les textes insoutenables d'atrocité paraissent presque irréels. Ce n'est qu'en s'attachant à des petits détails du quotidien, en suivant une personne dans ses moindres pas et dans ses réflexions qu'il est possible d'entrevoir (même de loin, dans le confort de notre canapé) la réalité de ce que nos aïeux ont vécu.

René, le père de Jacques Tardi, lui, n'est pas juif, résistant ou collabo. Pressentant le conflit arriver, il s'engage de lui même dans l'armée et devient conducteur de tank ("on ne dit pas tank, on dit char !"). D'abord convaincu qu'il appartient à la plus grande armée du monde, il déchante rapidement et réalise la désorganisation des dirigeants français face à la rigueur et l'efficacité allemande. Fait prisonnier le 22 mai 1940, il est amené au Stalag IIB, un camp de prisonniers de guerre en Poméranie. Là commencent plusieurs années de détention forcée et de privations. A travers les dessins de son fils, René raconte le quotidien des prisonniers : la faim omniprésente, toujours la faim et le découpage du pain au millimètre près, le froid, le troc entre les prisonniers, le copain de René exécuté devant lui parce qu'il n'est pas descendu assez vite de sa couchette, les jeux au moment du comptage des prisonniers pour emmerder les boches, les rares gardiens les traitant avec respect, les tentatives d'évasion.

Souvent, les scènes ne sont pas grandiloquentes et c'est ce qui leur donne de la force. Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB n'est pas le récit d'une grande évasion ou une histoire romancée et poétique. La BD retranscrit les petits gestes anodins et les anecdotes de la vie des prisonniers. Les personnages ne sont pas fictifs, ils ont les mêmes préoccupations que nous et les mêmes incompréhensions. Tout au court du récit de son père, Jacques Tardi se dessine en tant qu'enfant et intervient pour poser des questions et réagir : "Mais pourquoi vous continuez à vous battre ?", "Pourquoi vous n'essayiez pas de vous enfuir ?"



Il n'y a pas de tricherie dans la bande dessinée. Parfois Jacques Tardi se pose trop tard des questions qu'il n'a pas eu le temps de poser avant la mort de son père en 1986 et les trous sont encore là entre les pages. Tardi n'essaye pas de les combler et laisse le lecteur avec les mêmes interrogations : "Mais comment as-tu réussi à faire comprendre à maman que tu voulais t'évader alors que les allemands filtraient tout le courrier à l'entrée du camp ?"

Dans Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB pas de tricherie donc, juste un témoignage honnête qui nous éclaire sur la situation des prisonniers de guerre pendant 39-45. Nous connaissons très peu de choses sur ces gens : les Stalags n'étaient pas des camps d'extermination, et même si les atrocités vécues là-bas étaient similaires, les détenus ne revenaient pas avec le même statut. Ils n'étaient ni victimes ni héros. Ils revenaient avec "la honte des vaincus", qui n'avaient pas "su" se battre contre l'ennemi. Et ils devaient vivre pendant le reste de leur vie avec cette humiliation et le manque de reconnaissance de ces années d'horreur.

A travers cette BD, Jacques Tardi livre un bout du passé de sa famille mais raconte également l'histoire méconnue de plus d'un million de prisonniers de guerre français détenus dans les Stalags entre 39 et 45. Un bel hommage et un bel exercice de mémoire et de vulgarisation.



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