Si le titre laisse présager d’un roman à l’eau de rose, il n’en est rien. Les seuls passages qui pourraient être qualifiés de la sorte sont les extraits de « L’histoire de l’amour », roman lien entre les personnages. L’histoire d'un livre portant le même titre que le livre que l'on est en train de lire n’a certes rien d’original mais je serai tentée de dire que cela importe peu une fois que l’on est happé dans L’histoire de l’amour (celui de Nicole Krauss). Ce livre décousu, peuplé de recoins, de titres de chapitres aux allures farfelues et tragiques, est un labyrinthe dans lequel le lecteur se perd, comprend et recoud l’histoire bout après bout.
Les vies des personnages principaux sont racontées plus ou moins liées les unes aux autres et, qu’il s’agisse d’un vieil homme au corps fatigué préoccupé par la mort, d’une jeune fille future paléontologue faisant le deuil de son père entourée de sa mère traductrice en perte de repères et de son frère persuadé d’être un Lamed Vovnik ou bien d’un auteur prêt à tout par amour, ces vies-là sont décrites avec beaucoup d’humanité et de justesse. La plume intelligente et habile de Nicole Krauss nous promène avec grâce dans les rues de New-York avec les mêmes préoccupations et questionnements que ces personnages en quête d'une réponse. Elle nous entraîne sur la piste de l’exil, de la Shoah, de ces milliers d’hommes et de femmes déracinés et dispersés aux quatre coins des Etats-Unis, de ces amours perdues mais éternelles, de la mort, ainsi que sur la singulière beauté d’être encore en vie… The history of love est un livre sur le souvenir, individuel et collectif mais est aussi une brillante et fascinante histoire de livres, d’écriture, de lecteurs, d’écrivains, une sorte de passerelle entre le fictif et le réel qui amène à se demander où commence l’un et où finit l’autre.