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 Les années
Auteur : Annie Ernaux
Année : 2008
Langue d'origine : français


8.7/10 (3 critiques)


Histoire :
Au travers de photos et de souvenirs laissés par les évènements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne à ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective.
(mot de l'éditeur)
 
Critique par Florence postée le 01-12-2008 à 22:58
Note : 10/10
Il m'est difficile d'écrire une critique sur Les années, trop hésitante à lui mettre 10/10 alors que "la perfection n'existe pas". Seulement voilà, ce livre m'a touchée d'une manière unique et quelques semaines après la lecture, le sentiment d'admiration ne s'évanouit pas. Annie Ernaux a réussi quelque chose de délicat, un projet littéraire abouti qui lui tenait à coeur : inventer une nouvelle forme d'écriture, une autobiographie impersonnelle qui retrace le fil de sa vie dans l'évolution de la société.

De l'après-guerre à aujourd'hui, les photos et les souvenirs marquent le parcours de cette femme. Cette femme, c'est "elle", à aucun moment elle n'est décrite par "je". Petite fille, adolescente, adulte, elle se fond dans les époques et en dénoue les grandes décisions comme les détails insignifiants : un repas de famille, une chanson, la libération, une envie, un désir, mai 68, l'arrivée des grands magasins, la société de consommation, la solitude…

Au travers des pages, on voit le monde se transformer, irrémédiablement mais sans a-coups. Une évolution fluide et connectée, loin des manuels d'histoire qui tronquent le temps en périodes et en dates distinctes et isolées. Ici, l'histoire est humaine, faite de gens, et on se surprend à réaliser que tous les évènements sont liés, portés par des ressentis et des humeurs collectives.
L'histoire est humaine, et c'est peut-être pour ça que ce livre marche si bien. Il retrace la vie d'une femme universelle, dans laquelle on se reconnaît même si on n'a pas vécu les mêmes choses. Certains souvenirs ne sont évocateurs que pour les personnes qui les ont vécus… "le type dans une publicité au cinéma pour Paic Vaisselle, qui cassait allégrement les assiettes sales au lieu de les laver", "la silhouette sémillante de l'acteur Philippe Lemaine, marié à Juliette Gréco". D'autres traversent les générations, "pédaler à côté du vélo devenu pédaler dans la choucroute puis dans la semoule puis rien, les expressions datées".

Un voyage dans le temps et dans les têtes d'une génération... capturée avant qu'elle ne disparaisse.

"Toutes les images disparaîtront. (…)
Tout s'effacera en une seconde. Le dictionnaire accumulé du berceau au dernier lit s'éliminera. (…). Dans les conversations autour d'une table de fête on ne sera plus qu'un prénom, de plus en plus sans visage, jusqu'à disparaître dans la masse anodine d'une lointaine génération."


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Critique par Julie postée le 10-07-2009 à 11:10
Note : 8/10
Comment toucher un lectorat qui n'appartiendrait pas à la génération que "Les Années" s'emploie si bien à décrire ?

Annie Ernaux pallie à ce problème avec une méthode d'une simplicité élégante : par le "on". En se détachant d'elle-même, plus prétexte que sujet de cette "fausse autobiographie", elle parvient à écrire un ressenti du temps qui passe touchant finalement à l'universel.

On voit donc passer ces Années, que je n'ai pour ma part pas vécues (les dernières mises à part) avec une rapidité et une délicatesse mêlées qui font toute la force du livre. Cela évoque ces scènes des films où l'on regarde une portion du monde traverser le temps en accéléré, les villes bâties et réduites en poussières sur quelques secondes, où l'on observe le monde, le temps se construire et se déconstruire.

Sauf que c'est en s'attachant aux détails qu'Annie Ernaux dépeint sa vue d'ensemble. Loin de détailler le monde à la façon d'un livre d'Histoire, elle décrit le quotidien : là une réclame télé, ici un repas en famille, en un kaléidoscope de souvenirs qui appartiennent à tous. Certes les grands bouleversements de ces années ne sont pas absents (mai 68, la pillule, la libération sexuelle, la guerre froide) mais toujours évoqués par les yeux de personnes, l'impersonnalité de la narration n'en faisant pas un point de vue omniscient.

L'autre grande réussite du livre est de ne jamais être moralisateur ou même réellement nostalgique. Le regard n'est pas neutre mais ne nous assène pas de "c'était mieux avant", mû seulement par une volonté de se rappeler, de garder une trace de ce temps passé, de ces événements et de ces gens menacés par l'oubli. Une sorte de devoir de mémoire, presque.

Il manquait peut-être un petit rien à mon goût, le charme du roman pur, me donnant parfois l'impression de lire un documentaire. Mais un documentaire terriblement humain finalement aussi touchant qu'impressionnant.


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Critique par stéphanie postée le 25-07-2009 à 21:00
Note : 8/10
La démarche de la narratrice dans ce qu’elle appelle "autobiographie impersonnelle" est décrite à partir dans la seconde moitié du livre. Elle voudrait "réunir ces multiples images d’elle, séparées, désaccordées, par le fil d’un récit, celui de son existence, depuis sa naissance pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui", pour que le tout forme "une existence singulière [...] mais fondue [...] dans le moule d’une génération".
Et à ce titre, le "roman" d’Annie Ernaux est une réussite. La narratrice cueille sa vie au gré des photos qu’elle illustre puis commente et le lecteur vit ces années en sa compagnie. Entre deux photos, vidéos, souvenirs, une mémoire plus collective est évoquée, décryptée et c’est de cette façon que le quotidien d’une femme se trouve confronté aux dates clefs (ou non) de l’Histoire. Plus qu’un récit de vie, c’est un documentaire sur l’évolution des mœurs, des époques… les guerres, l’avortement, le Sida, les manifestations… les événements sont là dans leur concret momentané, parfois à mille lieues, parfois tout proches et plus personnels.
Parlant à la troisième personne du singulier, alternant le "elle" et le "on", Annie Ernaux dresse un portrait que j’ai trouvé assez froid et distant, pour peut-être faire davantage ressortir "l’universalité" des propos. Car le lecteur (s’il fait partie du public visé) saura se reconnaître au détour d’une phrase, d’une attitude, de souvenirs partagés. Même en ne connaissant pas tout, il y a dans chaque paragraphe un détail évocateur qui fait que l’on ne se sent pas perdu dans cette énorme énumération de lieux, de dates, de faits et que ces Années deviennent les nôtres.
Il y a d’ailleurs ces pages blanches à la fin qui pourraient presque - si elles n'étaient pas là pour former un cahier complet - laisser croire au lecteur que le livre ne finit pas, que la suite est à écrire, par lui, par on, par nous.


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