Le pari d'Andrea H. Japp, auteur de référence du genre policier, était osé mais intéressant : mélanger les genres littéraires et repousser les limites du polar pour l'adapter à d'autres lectorats. Dans le livre "Cinq filles, trois cadavres mais plus de volant", c'est à la "chick-lit" (la littérature pour filles) qu'elle s'attaque, en basant son histoire sur un groupe de cinq amies de toujours, qui se retrouvent embarquées dans des histoires de meurtres qu'elles ne maitrisent pas du tout.

Tout commence un soir où Charlotte, psychologue coquette et embrouillée par sa vie sentimentale, retrouve un cadavre menotté au volant de sa Mini et appelle ses amies à la rescousse. Que fait ce cadavre dans sa voiture ? Qui l'a mis là et pourquoi ?
Le mystère est là mais le ton est un peu bancal dans tout le livre, si bien qu'on ne sait parfois pas très bien sur quel pied danser. Polar ou chick-lit ? Intrigue sérieuse ou parodie ? Les dialogues s'enchaînent en rigolant, les filles font référence à leurs marques de vêtements ou de chaussures préférées et ont parfois des réactions complètement décalées par rapport à la gravité de la situation. Bref, "Cinq filles, trois cadavres (...)" tangue entre les deux genres qu'il essaye de réunir : un polar où l'intrigue policière est plutôt réussie (Andrea H. Japp sait quand même ce qu'elle fait), et un traitement un peu cliché dû à ces cinq femmes qui pensent surtout à l'amour, aux hommes et à leurs escarpins qu'elles ne veulent pas tâcher de sang.

Finalement, tout dépend de ce à quoi on le compare : En tant que polar, il ne tient que moyennement la route (les ardus du genre n'y trouveront à priori pas leur compte). Par contre, en tant que roman de chick-lit, l'intrigue policière apporte un plus à l'histoire et permet de ne pas tourner en rond autour des histoires de coeur. Un pari plutôt réussi donc, qui est loin d'être un chef-d'œuvre mais qui se dévore en quelques jours et qui explore un mélange qui mériterait à être perfectionné.

Le problème premier de 5 filles 3 cadavres est d'être coincé "le cul entre deux chaises", pas tant entre polar et chick' litt qu'entre volonté de se prendre terriblement au sérieux et auto-parodie constante. L'ironie s'en retrouve difficile à déceler et l'on est toujours habité d'un doute : Andrea H. Japp se moque-t-elle d'elle-même ... ou de son lectorat ?

On laissera à l'auteur le bénéfice du doute car c'est finalement l'humour qui sauve le livre - l'intrigue policière étant ultra linéaire - et en fait au moins un roman qui se lit très vite et - malgré un style très plat si ce n'est inexistant, sans déplaisir. On regrettera presque qu'il ne soit pas allé plus loin dans la dérision de ses héroines, mais ç'aurait été se moquer - par extension - de la "chick lit" à laquelle on se veut restituer ses lettres de noblesses.
Un plaidoyer qui n'est pas inintéressant, et documenté de façon amusante au sein du livre.

Le problème c'est que tout est forcé. Les caractères des personnages, que l'on peut réduire à un adjectif (la scientifique est scientifique, la psy est psychologue) les dialogues qui sonnent souvent faux et surtout, le mélange chick lit' / polar qui aurait parfaitement pu aller de soi, mais sent le pré-commandé. Rien n'est naturel, rien ne sonne spontané.

5 filles trois cadavres n'est pas un roman métisse, mais un mariage forcé, une créature génétiquement modifié par des laborantins littéraires aux motivations financières.

Le tout semble d'autant plus calibré pour la vente que ça et là, la façon dont le style de vie de ces héroines est intégré à l'intrigue est fait avec un manque de naturel déconcertant, comme si on avait affaire à des pubs insérées dans le roman, évoquant les peu subtiles promotions réalisées "dans la vie de tous les jours" par les acteurs du "Truman Show".
Dommage. Car ce qui à défaut d'être une idée originale, restait une bonne idée, donne au final l'impression qu'avec ce roman, Japp n'a pas fait tant écrire que compter.