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 Mansfield Park
Auteur : Jane Austen
Année : 1814
Langue d'origine : Anglais


9/10 (1 critique)


Histoire :
Issue d'une famille miséreuse, Fanny Price est âgée de dix ans quand elle est adoptée par son oncle maternel, Sir Thomas Bertram, qui va prendre en charge son éducation.
Accueillie dans le domaine de Mansfield Park, Fanny est élevée avec ses cousins et cousines qui, à l'exception d'Edmund, la traitent avec indifférence ou mépris. La gratitude et l'affection qu'elle éprouve à l'égard de son cousin se transforment au fil des années en un amour qu'elle garde secret. Quand un bon parti se déclare, Fanny n'a de choix qu'entre un mariage de raison et un retour à sa condition première...
 
Critique par Evelyne postée le 23-03-2010 à 15:13
Note : 9/10
Affirmer que Mansfield Park est l'une des meilleures oeuvres de Jane Austen revient à ne rien dire, tant l'intégralité de ses romans majeurs peut être élevée au rang de chef d'oeuvre. Cependant, la communauté des "austeniens" se divise suivant son oeuvre favorite, et à ce titre, Mansfield Park fédère un certain nombre d'afficionados qui ne jurent que par cette histoire. Il est assez facile de comprendre pourquoi, bien qu'une telle affinité repose beaucoup sur la sensibilité du lecteur, et sur ce qu'il attend exactement d'un roman de Jane Austen.

Pour ma part, étant déjà accro à Orgueil et Préjugés et Persuasion, je n'étais pas certaine que le roman allait vraiment me plaire. Déjà parce que l'éditeur chez lequel je me suis procurée l'oeuvre, Archipoche, a choisi de reprendre une traduction du XIXe siècle présentée comme "fidèle" ; or j'avais eu des échos plutôt négatifs de la traduction française sauce XIXe de Raison et Sentiments. Ceci dit, difficile de juger réellement de la pertinence de la traduction sans avoir en main l'original, c'est pourquoi je me suis fiée aux louanges de la préface.

Finalement, je me suis vite retrouvée happée par l'histoire, qui m'a surprise à bien des niveaux. En premier lieu parce que ce n'est pas à proprement parler un récit romantique. Évidemment, les spécialistes pourraient arguer qu'aucune histoire de Jane Austen ne l'est réellement, puisque sa délicatesse et son sens de la retenue lui interdisent toujours de s'appesantir sur les sentiments réciproques et de s'extasier sur les grandes déclarations finales. D'autre part, ses héros sont rarement beaux, et possèdent plutôt un caractère revêche loin des canons de l'époque. Cependant, Mansfield Park prend encore un autre chemin, puisque l'intrigue amoureuse entre Fanny Price et Edmund Bertram est ici quasi inexistante, reléguée au second plan du début jusqu'à la fin. Plutôt surprenant pour un roman aussi long...

Ainsi, Mansfield Park n'est pas un roman sentimental, et ceux qui ne jurent que par les belles histoires d'amour seront certainement déçus (même si...). En lieu et place, Jane Austen nous peint un portrait de sa société et de son pays qui n'a jamais été aussi vaste et aussi détaillé. La famille Bertram, à la tête d'un baronettage, est représentative de la haute bourgeoisie anglaise de l'époque : Sir Thomas Bertram fait preuve d'une remarquable grandeur d'esprit en adoptant la fille d'une belle-soeur déchue, Mrs Price, qui a contracté un mariage malheureux avec un homme de rang inférieur. Mais ce même homme se rend également coupable d'un aveuglement sans borne à l'égard de ses proches, depuis son autre belle-soeur Mrs Norris, une veuve acariâtre insupportable et auteur de nombreux méfaits inconscients, à ses filles, qui, orgueilleuses et mal éduquées, se disputent l'amour d'un dandy inconstant, Henry Crawford.

Tous les personnages ou presque (Mrs Norris reste haïssable d'un bout à l'autre) subissent le même sort : Jane Austen accomplit l'exploit de nous les faire tour à tour aimer ou détester, suivant ce qu'elle choisit de mettre en lumière, leurs qualités ou leurs défauts. Mary Crawford, soeur d'Henry et séductrice d'Edmund, est tour à tour d'une bienheureuse vivacité ou totalement dénuée de d'intelligence, Henry peut se révéler tout à fait charmant, plein de savoir-vivre, et sombrer l'instant d'après dans le pire des travers, et même Fanny Price, bien qu'elle reste le personnage le plus équilibré du roman, se montre souvent bien trop influençable.

Mais l'auteur n'en reste pas là, et contrairement à ses autres romans, explore également avec une certaine profondeur l'autre versant de sa société, celui des mal nantis et des laissés pour compte. Ainsi, lors d'un séjour de Fanny chez ses parents, peut-on réellement s'imprégner de l'atmosphère d'une famille nombreuse et indigente, et de tout ce qu'elle comporte de triste fatalité. Père alcoolique, mère débordée, enfants tapageurs, servante négligente... Jane Austen nous les montre sans forcément les stigmatiser, mais en soulignant avec justesse ce que la vie a fait d'eux et ce qu'ils auraient pu devenir si le cours de leur destinée avait été différente. D'ailleurs, elle insiste bien sur l'excellence de caractère d'une bonne partie des enfants Price, qui, une fois remis sur une voie honorable (que ce soit à travers une carrière de marin, à l'instar de l'aîné William, ou sous l'égide d'une famille mieux nantie comme les Bertram) s'en sortent à merveille.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le roman, car Jane Austen y analyse de nombreux thèmes de la Regency : l'effort de guerre contre la France, la marine, la politique anglaise, l'influence du théâtre dans les cercles bourgeois... Mansfield Park est une oeuvre riche, où l'on ne s'ennuie jamais. Et au fond, peu importe que Fanny épouse ou non Edmund Bertram : le lecteur aura malgré tout effectué un voyage extraordinaire vers le passé.


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