La fée carabine |

Année : 1987
Langue d'origine : Français










10/10 (2 critiques)
Histoire :
(suite d'Au Bonheur des Ogres)
Alors que la police parisienne traque un égorgeur en série et se fait un rien plus répressive après le meurtre d'un jeune agent, la vie suit son cours pour la famille Malaussène, considérablement agrandie depuis que la compagne de Benjamin planque chez ce dernier tous les grands-pères camés de la capitale. Peut-être pas la plus judicieuse des manoeuvres, au vu de la nature profonde de Bouc émissaire de Malaussène, qui se voit à nouveau jugé coupable de tous les crimes d'une ville en ébullition...
Critique par Julie postée le 15-06-2011 à 20:23 Note : 10/10 ![]() | |
Dans la droite lignée du Bonheur des Ogres sans jamais oublier de faire évoluer ses personnages et ses fils rouges, La Fée Carabine est une suite absolument délicieuse que ses qualités permettent peut-être même de lire en dehors du reste de la saga. Mais il convient bien sûr pour un plaisir total et parfait d’avoir déjà fait connaissance avec la famille Malaussène et les nombreux protagonistes gravitant autour d’un Benjamin pas tant centre du monde que point de convergence de toutes les présomptions d’un roman phénoménalement riche en intrigues. Poursuivant sur les pistes entrouvertes à la fin du précédent tome, La Fée Carabine s’ouvre sur un premier chapitre d’une perfection absolue, sorte de poème moderne en prose en équilibre entre humour noir et tendresse, dressant en quelques lignes une vision brute et pourtant pas désespérée de la nature humaine. Un premier chapitre qui donne finalement le ton de l’ensemble, annonçant discrètement les thèmes à venir – qui comme toujours chez Pennac, n’auront pas le mauvais gout de prendre le pas sur l’histoire – et préfigurant le tragi-comique réaliste du livre. Il est délicat de parler de l’intrigue en elle-même sans ruiner la lecture, aussi me contenterai-je d’exprimer mon admiration envers un roman se caractérise par une maîtrise remarquable dans sa construction comme dans sa narration. Bien que déroulant plusieurs fils distincts et introduisant de nouveaux personnages (à commencer par le génial tandem policier Thian – Pastor), Pennac parvient à bâtir un ensemble complexe mais très naturel, où chaque protagoniste et chaque sous-intrigue trouve une raison d’être, constitue une pièce du puzzle, pour un résultat semblable à une toile d’araignée : tissée avec une remarquable finesse et malgré tout très solide. L’intelligence réside également dans l’utilisation de cette toile comme support où se promène la galerie de « gueules littéraires » de l’auteur, personnages complexes et nuancés mais toujours introduits de façon totalement organique dans la narration. Chacun traine ses bagages, ses failles et sa noblesse, et crime et vertu ne prennent jamais les formes attendues, faisant de la Fée Carabine un véritable bal masqué à la lecture jouissive et pleine de surprises. Et puis au-delà de tout ça, il y a ce qui ne s’analyse pas, il y a le sentiment amoureux, inconditionnel et tangible que Pennac porte à ses personnages comme à ses mots, comme si les deux n’étaient que les deux faces d’un même objet. Un amour hautement communicatif qui fait qu’on ne peut que prendre au sérieux ces histoires pourtant folles, qu’on ne peut ni retenir ses larmes face à la cruauté des événements ni bloquer ses sourires devant une telle tranche d’humanité. Avec cette noirceur lumineuse qui caractérise toute sa saga, Pennac réussit à nouveau à glisser entre quelques trois cents trop courtes pages tous, tous les plaisirs de la littérature. A tel point que comme je finis cette critique, je n’ai qu’une envie : plaquer tous mes projets pour me replonger dans ce que j’oublie si facilement n’être qu’un livre de fiction. Votre avis rejoint-il cette critique ? |
Critique par Florence postée le 02-10-2011 à 13:39 Note : 10/10 ![]() | |
C'est avec un plaisir non dissimulé que l'on retrouve la tribu Malaussène dans ce deuxième tome, après le début très prometteur de la saga avec Au bonheur des ogres. Le premier chapitre suffit à lui seul à montrer tout le potentiel du livre. De sa plume élégante, Daniel Pennac met en place le décor à la manière d'un artiste peintre qui compose un tableau par petites touches de couleurs. Oui, c'est ça, Pennac est un impressionniste. Il appose des lettres sur une page blanche et fait naitre d'entre les mots une ambiance toute particulière dans laquelle on se laisse glisser entièrement. Il commence par dessiner un plan large pour situer la scène (les rues de Belleville en hiver), y ajoute quelques touches de poésie (une plaque de verglas en forme de continent africain), y introduit des personnages (un gamin à lunettes roses, deux arabes, un flic et une vieille grand-mère), et de tout ça nait une intrigue, un point de départ à une histoire extraordinaire, dans laquelle les sous-intrigues se recoupent et forment un roman finement ficelé. Les personnages, un peu caricaturaux dans le premier tome, prennent ici de la profondeur et gagnent en nuances. Non pas que leur caractère ait réellement changé (heureusement), mais le fait de les suivre dans une deuxième aventure permet d'apprendre à les connaître et à les aimer. On est content de les revoir tous, et de se retrouver en terrain connu. Même la petite Verdun, dernière arrivée de la tribu, prend une place toute particulière dans la famille. Enfin, que dire de plus sans dévoiler l'intrigue sinon que Daniel Pennac est un fin narrateur. Contrairement à d'autres auteurs, il prend le temps de fignoler son univers et d'en expliquer chaque ficelle, pour ne laisser aucun point d'interrogation. Au terme des nombreuses péripéties et retournements de situation, on réalise avec plaisir que tous les éléments s'emboîtent de manière parfaite et que l'ensemble forme un tout cohérent et surprenant. On se laisse happer par chaque page et on en ressort avec l'envie (de moins en moins surprenante, elle) d'enchaîner bientôt sur le tome 3. Votre avis rejoint-il cette critique ? |