La Passe-Miroir, c'est d'abord une histoire-fleuve de steam fantasy publiée sur un site de fictions en ligne, la Plume d'Argent. Une histoire dont je suis tombée amoureuse dès les premières lignes. Puis son auteur a relevé le défi de l'auto-édition et décidé de retravailler entièrement un premier tome pour le proposer à ses lecteurs, et c'est tout naturellement que j'ai décidé de l'acquérir pour enfin lire sur papier les aventures d'Ophélie.
Et le résultat est impeccable : alors que la version en ligne souffrait de quelques longueurs, de temps morts, pas de ça dans la version retravaillée ! Tout s'enchaîne à la perfection, depuis le départ d'Ophélie vers le Pôle, la patrie de son fiancé, jusqu'à sa plongée dans les ennuis, en passant par quelques rebondissements bien sentis qui présagent un tome deux décoiffant.
Mais commençons par le commencement : l'univers imaginé par Christelle est d'une richesse incomparable, truffée d'énigmes, de décors somptueux et de personnages hauts en couleur. Ces Arches, qui semblent flotter au-dessus d'un monde en miettes, sont visuellement superbes, et le lecteur brûle d'en découvrir d'autres, de partir à la découverte de ce monde inconnu, à l'instar d'Ophélie lorsqu'elle monte dans le dirigeable qui l'emmènera loin d'Anima, son Arche natale.
Tout cela est raconté dans une langue riche et imagée, qui convient parfaitement à l'ambiance victorienne qui se dégage de ce monde de fantasy. Pas de constructions maladroites, pas de dialogues faiblards ou de descriptions plates : l'écriture est totalement maîtrisée, et nous plonge dans le récit sans jamais nous en ressortir.
Du début à la fin, Ophélie, qu'on apprend à connaître et à aimer comme une grande (ou une petite) soeur attachante et courageuse, pose sur ce qui l'entoure un regard tour à tour émerveillé ou suspicieux, délicieusement naïf ou terriblement scrutateur. C'est de son point de vue qu'on découvre les personnages qui vont l'accompagner dans son aventure : le froid et mystérieux Thorn, son futur mari rien moins qu'engageant, le drolatique Renard et son franc-parler, Bérénice la capricieuse, Archibald le conspirateur ou encore la toute guindée tante Roseline qui apporte, à ses dépens, un vent de fraîcheur et d'humour en toute situation.
Car au milieu des intrigues de Cour qui sous-tendent la vie de la Citacielle, l'humour est toujours présent : entre la pauvre Ophélie devenue d'une maladresse sans nom depuis un malencontreux "accident de miroir" et un Thorn glacial qui semble toujours se demander ce qu'il a bien pu faire pour recevoir une telle fiancée en punition, les situations à la limite du burlesque ne manquent pas !
Bref, on entre dès la première phrase dans une histoire aussi légère que profonde, qui réserve de nombreuses surprises au fil de la lecture. Voici un livre qui mériterait une place dans les rayonnages des plus grosses librairies... ce qu'un éditeur pro pourrait peut-être lui apporter ! En attendant, même si vous êtes réticents à l'auto-édition, n'hésitez pas une seule seconde : ce roman gagne à être connu !
Et vivement le tome 2...

NB : Ce roman a depuis ma critique remporté le concours "premier roman" Gallimard, chez qui il a été publié, dans un version quasi identique. Plus de raison pour ne pas l'acheter chez votre libraire du coin ! ;)