Tellement de personnes m'avaient parlé de La nuit des temps de Barjavel comme d'un grand classique de la littérature française que je n'avais pas réalisé que ce roman était en fait de la science fiction. Et qu'il datait de 1968, et non pas des siècles précédents.

C'est donc avec une certaine surprise que j'ai ouvert le livre, sans aucune idée de ce que je pouvais y trouver. Dès les premières pages, le style d'écriture et le sujet confirment l'aspect moderne de l'oeuvre. Des scientifiques sondent le Pôle Sud à des fins d'analyses. Ils parcourent l'antartique sur des "snodogs" et parlent de leurs recherches techniques. Seul un certain Dr. Simon semble extérieur à ces recherches et interrompt le récit par des déclarations d'amour pseudo-lyriques à une femme dont on ne connaît rien, mais dont on suppose qu'elle aura une importance déterminante dans le reste du roman.

Soyons honnêtes ; dans les premiers chapitres, le livre n'a rien d'un chef d'œuvre. Les phrases courtes et descriptives laissent peu de place à l'imagination que l'on pourrait attendre d'un roman de science fiction. Et ce Dr. Simon a un petit côté niais et agaçant à nous couper toutes les dix pages avec ses clichés amoureux.

Mais malgré tout, le livre accroche. Petit à petit, les éléments se mettent en place et l'intrigue apparaît : les scientifiques ont trouvé sous la glace l'indice de l’existence d’une civilisation datant de 900 000 ans. Comment est-ce possible ?
Nous voilà embarqués dans une jolie aventure qui, si elle a ses défauts, a le mérite de nous entraîner page après page dans un univers construit avec intelligence. On y découvre une civilisation qui émerveille, où les humains ne manquent de rien et où l'accord avec la nature et la technologie est optimal. Mais cette harmonie a des limites… et les scientifiques découvrent vite que le progrès et les avancées technologiques (au présent comme au passé), mènent inévitablement à des envies de pouvoir et à des dérives politiques, autant au niveau sociétal qu'au niveau individuel.

En résumé, La nuit des temps est un "page turner" qui ne se lâche plus une fois commencé et qui mérite son succès, mais à qui il manque à mon goût quelque chose pour être un véritable chef d'œuvre. Ce manque, c'est finalement un peu de chaleur dans ces territoires enneigés du Pôle Sud… Le style d'écriture un peu froid et le manque de profondeur de chaque scientifique (parfois seulement décrit par son métier et sa nationalité) n'aide pas à sortir de l'aventure bouleversé. On en ressort content, distrait, mais un peu frustré par une fin qui n'apporte pas toutes les réponses et qui nous laisse avec une poignée de personnages auxquels on ne s'était pas véritablement attaché.