Avant de voir ce film, je connaissais Marina Abramovic de nom, par mon travail, et j'avais vaguement parcouru sa fiche wikipedia, sans vraiment m'émouvoir de son parcours. Finalement, grâce au "mois du film documentaire" au Havre et à une invitation à assister à cette projection, j'ai redécouvert une artiste fascinante, attachante. De ses premières performances, dans les années 70, où la provocation est dominante, au défi qu'elle se lance à 63 ans au MoMA, en passant par son histoire d'amour de 12 ans avec Ulay, artiste et performeur comme elle, ce film trace un portrait assez complet de cette artiste qu'on nomme "la grand-mère de la performance".

Mais ce qui touche surtout le spectateur, c'est cette incroyable performance réalisée durant sa rétrospective au MoMA : rester assise sur une chaise, 10h par jour, pendant 3 mois, et regarder, simplement regarder, la personne qui s'assoit en face d'elle. Sur le papier, ça semble simple, peut-être même un peu stupide. Dans un commentaire ironique, une journaliste de la Fox montre clairement son scepticisme, voire sa réprobation. À quoi bon se donner en spectacle ainsi, si ce n'est pour faire parler de soi ? Et pourtant, le film s'attache à démontrer ce qui rend cette performance aussi complexe qu'évidente : "the artist is present". À mesure que les visiteurs défilent devant cette femme au regard tellement présent, tellement intense, le spectateur lui-même se laisse émouvoir par les larmes qui jaillissent sans que rien ne les justifie à part ce regard et ce qu'il dit : l'amour de l'autre, de l'instant qui unit deux personnes, et sa fragilité.

Au final, The Artist is Present, en tentant de retracer le parcours et la philosophie d'une artiste aussi forte que fragile, répond merveilleusement bien à la question qu'il pose : l'art, c'est qui parvient à nous toucher dans ce que nous avons de plus intime. Dans mon cas, c'est réussi !