Sujet de dix longs ou courts métrages, King Kong est une légende cinématographique dont les divers remakes, suites ou « cross-over » inattendus (voir King Kong contre Godzilla) n’ont jamais vraiment égalé l’audace naïve, retranscrit l’âme du film original de 1933.
La version de Peter Jackson en est paradoxalement la plus proche, scénaristiquement en tout cas, et on sent tout au long une volonté d’y rendre hommage, de dire sa passion (voire son amour) pour ce classique du 7ème art. Et s’il arrive que ce dernier remake soit ça et là quelque peu plombé par ce qui aurait du le porter (la technologie d’aujourd’hui et les prouesses de son réalisateur) il serait dommage de bouder un film fait avec un plaisir si communicatif.

La première heure, nous promenant dans un show-biz new-yorkais sclérosé par la Dépression, est très réussie, retranscrivant à merveille l’ambiance de l’époque et introduisant habilement des personnages qui sonnent justes.
Mais quand entre en jeu King Kong et l’univers de « l’île du crâne » (évoquant immanquablement le Monde Perdu de Conan Doyle) tout ce petit monde perd de son épaisseur. Chacun se voit réduit, à l’exception du personnage d’Ann Darrow, à l’expression d’un trait de caractère dominant, servi par des dialogues clichés et des situations tour à tour éculées ou absurdes. La maitrise scénique de Peter Jackson est bien là, mais le réalisateur alterne des séquences de bravoure époustouflantes avec une grandiloquence qui dessert le propos (même les amateurs d’action pure conviendront que voir Adrien Brody écarter un vélociraptor d’un coup d’épaule ne peut que faire rire ou soupirer d’exaspération). Certaines séquences donnent donc l’impression d’être là uniquement pour étaler le savoir-faire du metteur en scène et alourdissent un film au rythme pourtant bien maîtrisé. On regrettera aussi quelques facilités scénaristiques et ellipses bien pratiques, qui sans gâcher réellement le visionnage, nous sortent de l'état admiratif dans lequel plongeait jusque là le spectacle en réduisant le film à l'état de blockbuster de luxe.

Mais de l’autre coté de la caméra, Naomi Watts est égale à elle-même (épatante) Adrien Brody aussi (taciturne) et les décors, new-yorkais ou tropicaux, comme la photo sont absolument magnifiques.
Et surtout, derrière la prouesse technique, le film offre ça et là des instants de charme, si ce n’est de poésie (la scène où Ann « séduit » King Kong en reproduisant son numéro comique est hilarante et émouvante, jamais ridicule, touchant presque à la grâce).

Au final on pardonnera à King Kong ses défauts et à Peter Jackson son égo, car il offre malgré tout un film hautement divertissant et surtout, ne rate pas l’essentiel : insuffler de l’humanité à cette créature improbable, et nous faire éprouver à son encontre une véritable empathie.