Un prophète a presque la valeur d'un documentaire sur la vie carcérale tellement il se veut réaliste et révélateur. Contrairement à plein d'autres films qui se passent au sein de prisons, il n'essaye pas de créer de sensationnel à tout prix. Pas de plans d'évasion ni d'émeutes contre les gardiens : on est près des détenus, de leurs sensations et de leurs dilemnes. On est embarqués avec eux dans leur "poisse" et le film touche une corde beaucoup plus universelle que le simple milieu carcéral. D'ailleurs, certains sociologues le prennent même déjà en exemple pour illustrer "l'adaptation de l'homme à son environnement".

Ici, l'homme est un jeune arabe et l'environnement est une prison française. Le début du film, qui montre l'arrivée de Malik dans cet univers aux codes pré-établis, est absolument brillant. On vit à ses côtés et on est bloqués comme lui dans sa cellule, à essayer d'échapper à une situation dont il est impossible de sortir. Sans raconter l'histoire, la première heure et demie est fascinante et prend aux tripes.
La suite devient longue et compliquée. La dernière heure aurait certainement pu être coupée sans trop enlever au résultat final. Il faut s'accrocher pour déméler toutes les intrigues sous-jacentes et, en toute franchise, on était plusieurs à sortir de la salle sans avoir compris le fin fond de l'histoire. Mais ce n'est pas très grave parce que l'essentiel du ressenti est dans la première partie et dans le dénouement : on ressort effrayé, un peu sidéré par ce que peut faire la prison à un gars qui, au départ, "n'était pas si méchant que ça". Un prophète fait partie de ces films à voir, assurément.

Un prophète est un film de Jacques Audiard. Du fait du nom du réalisateur, je partais voir ce film avec un gros a priori négatif, pas vraiment convaincue par les critiques dithyrambiques qui en étaient faites dans les magazines, partant du principe que De battre mon cœur s’est arrêté avait lui aussi eu des critiques positives et qu’il m’était resté en travers de la gorge.

Donc, Un prophète est un film de Jacques Audiard. La violence est là, les gars machistes aussi (du fait du huis-clos de la prison, il n’y a qu’une seule femme dans tout le film !) mais comme Tahar Rahim s’en sort mieux que Romain Duris ! On est tout de suite pris de sympathie (d’empathie ?) pour son personnage.

D’abord, frêle arrivé dans l’univers carcéral, Malik cherche à se faire une place. Pris tout de suite en grappe par la mafia Corse qui régit la prison, il doit faire des choix qui ne laissent pas beaucoup de possibilités. On suit donc son parcours plein d’obstacles éthiques ou moraux, avec l’envie de fermer les yeux à certains moments pour ne pas voir la violence. Le défaut du film est que parfois on peut s’emmêler parmi les personnages secondaires mais l’enjeu de Malik reste toujours le même : sortir vivant de cet enfer, coûte que coûte. En ça, bien que "compréhensible", l’évolution du jeune homme est troublante et on a mal au cœur de voir ce que fait la prison à un individu qui à la base était "bon".

Un prophète est un film-documentaire qui permet d'ouvrir les yeux sur l'univers carcéral, s'attachant au vécu des prisonniers, à leur quotidien. Cela a un côté dérangeant de voir que l'être humain puisse aller jusque là, que chacun est prêt à tout pour sauver sa peau, que tout n’est que complots, magouilles et tueries. En sortant du film, je me suis même dit qu’ils avaient été un peu loin, que c’était trop. Et pourtant, en visualisant depuis des documentaires sur la prison, je me rends compte que cette réalité existe : la loi des gangs peut régir chaque geste de survie, abolissant toute morale et faisant craindre la raison du plus fort. Un film à voir.