Jusqu'au 28 janvier, le Festival Kinotayo permet de découvrir le cinéma japonais contemporain dans quelques salles françaises.
Il s'agit de la 7ème édition de l'événement, et de la seconde visite pour l'Etagère qui avait plus qu'apprécié l'immersion en culture nippone lors de l'édition 2011. Le Festival avait en effet permis à une de nos chroniqueuses, Florence, d'expérimenter aussi bien de fraiches comédies telle Someday que la poésie sereine d'un Railways. Son enthousiasme avait d'ailleurs contaminé d'autres chroniqueuses à découvrir le cinéma nippon en salles lors du festival ou bien confortablement installées sur leur canapé. Florence avait d'ailleurs essayé de résumer les raisons de s'intéresser à ce cinéma.
Cette année encore, le Festival Kinotayo reste une très belle occasion à saisir pour les cinéphiles et / ou nippophiles car si le Japon est 3ème au classement mondial du nombre de films produits à l’année, son cinéma ne déborde pas forcément des projecteurs de ce coté du monde….
La culture du Japon en France
Peut-être parce qu’en France, notre réception des oeuvres nippones
n’a pas toujours été des plus évidentes. Comme beaucoup au
sein de ma génération, mon premier contact avec cette culture s’est personnellement
fait par l’animation. Or dans les années 90, notre merveilleuse télé fit
un triste raccourci intellectuel voulant que tout dessin animé soit forcément
pour les enfants, et programma ainsi des animés japonais particulièrement
adultes ou violents entre deux cartoons pour tout petits. Le problème mis
en lumière, la production préféra censurer ces œuvres par un doublage ne
respectant plus rien de l’histoire originale plutôt que de changer
l’horaire de diffusion. Citons pour exemple la tristement célèbre
« scène de larchitecte » de lanime Hokuto
No Ken, où le suicide dun personnage est transformé
en VF en un accident ridicule : là où en japonais, une jeune
femme saute volontairement du haut d'un immeuble provoquant l'effroi du
téléspectateur, en français, on blâme larchitecte
qui navait pas fini de construire la rambarde de sécurité
(Pour admirer cette scène d'anthologie, je vous propose de cliquer
sur le lien
youtube. La vidéo dure 2 mins 30 mais soyez patients et restez
jusqu'à la fin, vous ne le regretterez pas). Bref, entre lincohérence
des dialogues et la violence des images, autant vous dire quenfant,
je navais même pas le droit dapprocher la rétine
dun dessin animé nippon
Reste que cette maladresse
permit à une certaine génération du public français de découvrir un pan
de la culture japonaise n’ayant à la même époque jamais pu atterrir chez
ses voisins allemands ou britanniques. On doit sans doute à ce public
des années 90, quelques vingt ans plus tard, le succès phénoménal
des imports de mangas papier ou de la Japan Expo…
Au fond, la France et le Japon ont toujours tissé des liens particuliers quant à leurs cultures respectives. Dans la seconde moitié du 19ème siècle, c’est en France que nait le japonisme, mouvement artistique qui qualifie l’influence de l’art nippon sur l’art français, touchant aussi bien Renoir que Baudelaire, et qui s’étendit ensuite à l’Europe (la Pinacothèque vous propose d’ailleurs en ce moment de voir ce qu’il en fut pour Van Gogh.)
Pour autant le cinéma nippon ne bénéficie pas de la même exposition, la distribution cinématographique étant gérée par des règles et des contraintes physiques ne privilégiant pas toujours la production japonaise. De sorte que dans nos représentations collectives, ce cinéma est parfois réduit à quelques genres précis loin de représenter l’ensemble de la palette de styles et de savoir-faire rassemblée sous cette bannière.
C’est ainsi que pour ma part, c’est avec les kaiju-eiga (films de monstres)
et notamment le célébrissime Godzilla que je découvrais ce cinéma, puis
adolescente, par les J-Horror, le cinéma japonais d’horreur étant le plus
à même de me terrifier. Si je dois au Ring d’Hideo Nakata quelques
bonnes nuits blanches, c’est aussi le film qui m’ouvrit à un autre regard,
à une façon de raconter et de montrer (ou de ne pas montrer) propre au Japon,
au symbolisme aussi puissant que subtil et aux codes d’un cinéma à l’approche
très différente de celui qui m’était donné de voir jusqu’ici, et à la narration
plus fine, et par là-même, beaucoup plus efficace.
Au-delà de ces deux genres connus et populaires à linternational,
cest aussi et surtout tout le reste que se veut nous montrer le Festival
Kinotayo. Ces films moins commerciaux, ou moins « exportables »
qui ne parviennent souvent dans nos salles que si auréolés
dun prix récolté à Cannes ou à Venise.
Et c'est pour ça qu'on vous le recommande. Encore une fois, la sélection
du festival permet de se constituer un programme des plus éclectiques…
Nos envies Kinotayo 2012 :
A Honeymoon in Hell Mr. & Mrs. Oki's Fabulous Trip, de Ryuchi Honda.
Pour échapper à la routine, un couple de jeunes mariés accepte de passer sa lune de miel « en enfer ». Du sujet de société (le couple, l’usure du quotidien) au voyage psychédélique, un mélange prometteur et que l’on imagine, si l’on juge par la filmographie passée de Ryuchi Honda, joyeusement « bordélique ».
Chronicle of my mother, de Masato Harada
Kosako Igami, auteur à succès mais triste père de famille se retrouve contraint de prendre soin de sa mère, dont la maladie et la vieillesse efface peu à peu à la mémoire. Un engagement d’autant plus difficile que Kosaku fut enfant abandonné par sa mère. Un film adapté d’un récit autobiographique dont la mise en scène supposée rappeler Ozu et le Grand Prix du Jury remporté en 2011 à Montréal promettent un beau moment.
Monsters Club, de Toshiaki Toyoda
Un jeune marginal décide de se couper de la civilisation et réfugié dans la montagne, envoie des colis piégés aux PDG des grandes firmes et chaines de télévision. Jusqu’à ce qu’une créature étrange l’invite à découvrir la vérité sur sa famille… La société japonaise est connue pour ses aspects parfois extrémistes, décalés aux yeux des occidentaux, et au-delà de l’aspect fantastique du film, le pourquoi du rejet de cette société par un jeune japonais est une thématique des plus intéressantes.
Bunny Drop, de Sabu
Daikichi, jeune homme solitaire, regagne la maison familiale suite au décès de son grand-père. Il y fait la connaissance de Rin, six ans, fille illégitime de ce dernier. L’enfant désormais orpheline, Daikichi décide de la prendre sous son aile. Un film a priori vif, loin du contemplatif auquel est souvent associé le japon et prenant les apparences d’une comédie, un genre nippon qu’il n’est pas donné souvent l’occasion de voir ici.
Ace Attorney, de Takashi Miike
Dans un futur proche, la justice nippone n’a que faire des jurys et juge les cas en 3 jours de confrontation publique. Phoenix Wright a ainsi 72 heures pour « vaincre » le légendaire procureur Von Karma. Un film sans doute plus populaire par un réalisateur très connu à l’international (on lui doit notamment la trilogie « Dead or Alive ») mais aussi une curiosité formelle compte tenu du matériau de départ…
Les jeux vidéos sont un des aspects de la culture japonaise les mieux exportés et les plus connus. Adapté du jeu éponyme, Ace Attorney en reprend les codes visuels mais aussi narratifs, pour un film « de procès » assez dingue comme il ne peut, je crois, qu’en exister au Japon.
Informations pratiques :
Le programme complet du festival : Programme
du Festival Kinotayo 2012 (ou en pdf).
Accès : Festival ouvert à tous
Tarifs : 4€, ou 3€ tarif réduit
Lieux : Plusieurs cinémas particient à l'événement
en France. L'essentiel des projections aura lieu à la Maison de
la Culture Japonaise à Paris, dans le 15e arrondissement - métro
Bir-Hakeim (ligne 6) ou RER Champs de Mars Tour Eiffel (RER C).
Posté par Julie,
le lundi 14 janvier 2013, à 22h13
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